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alain de benoist - Page 9

  • L’avenir de la violence...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist au site 42 Mag pour répondre à des questions sur l'Europe, la mondialisation ou la violence...

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021) ou, dernièrement, L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022) et Nous et les autres (Rocher, 2023).

     

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    L’avenir de la violence ; entretien avec Alain de Benoist

    42MAG : L’Europe a toujours occupé une position phare dans votre pensée. Comment la définiriez-vous ?

    ALAIN DE BENOIST. Comme un continent, une origine, un creuset de culture et de civilisation, une série de paysages qui m’appartiennent et auxquels j’appartiens. Une histoire complexe qui, à partir de racines remontant pour le moins au Paléolithique, n’a cessé d’évoluer et de s’enrichir d’éléments nouveaux. Un continent dont les géopoliticiens font le centre du monde. Et aussi le lieu de naissance de la philosophie, ce qui compte beaucoup pour moi.

    42MAG : Aujourd’hui, n’est-elle pas le joug sous lequel ploient les peuples ?

    ALAIN DE BENOIST. Vous confondez l’Europe et l’Union européenne. Telle qu’elle a été mise en œuvre par ses initiateurs et poursuivie par leurs successeurs, la construction européenne s’est faite dès le début en dépit du bon sens. Elle est partie de l’économie et du commerce, au lieu de se faire à partir de la politique et de la culture. Elle s’est opérée par le haut, sous la férule d’une instance technocratique acquise au centralisme jacobin et au principe d’omnicompétence, la Commission de Bruxelles, au lieu de se mettre en place par le bas, en respectant le principe de subsidiarité ou de compétence suffisante à tous les niveaux, du plus local au plus général. Elle s’est faite en dehors des peuples, sans que ceux-ci soient jamais sérieusement consultés sur sa raison d’être ou sur son mode de fonctionnement. Après la chute du système soviétique, au lieu de chercher à approfondir ses structures de décision politique, elle a choisi un élargissement hâtif à des pays qui ne cherchaient qu’à bénéficier de la protection américaine, ce qui a aggravé son impuissance et paralysé ses institutions. Le problème de ses finalités – Europe-puissance ou Europe-marché – et le problème de ses frontières – géopolitiques – n’ont jamais été clairement posés non plus. La mise en place de l’euro dans des conditions totalement irréalistes a de son côté aggravé l’endettement public, dans le contexte de crise financière mondiale que nous connaissons aujourd’hui. Le résultat est que l’« Europe », qui apparaissait naguère comme une solution, n’est plus aujourd’hui qu’un problème parmi d’autres. Loin d’être une puissance autonome, l’Europe actuelle est politiquement dépendante, financièrement victime des marchés financiers, économiquement mise en concurrence dans des conditions de dumping avec la main-d’œuvre sous-payée des pays tiers, socialement en proie à des programmes d’austérité insupportables, bref affaiblie à tous égards. Non seulement l’Union européenne n’est pas l’Europe, mais aujourd’hui elle travaille clairement contre les Européens.

    42MAG : L’Europe a-t-elle jamais été démocratique ? N’est-elle pas le legs des élites aristocratiques aux élites bourgeoises libérales ?

    ALAIN DE BENOIST. Dans l’histoire de l’Europe, la plupart des régimes ont été des régimes mixtes. Des éléments de démocratie y ont toujours été présents, même là où le pouvoir appartenait à des oligarchies. Cela dit, il faut évidemment nuancer selon les époques et les lieux : la démocratie grecque n’est pas la démocratie islandaise du Moyen Âge ; la cité-État n’a pas fonctionné de la même manière que l’État-nation, qui n’a pas fonctionné lui-même à la façon de l’Empire. Quant au remplacement des élites aristocratiques par des élites bourgeoises, il commence très tôt sous l’Ancien Régime, tout particulièrement en France.

    À la faveur de la crise actuelle, ne s’aperçoit-on pas que c’est toujours la même ligne de clivage, le « limes » romain, qui sépare l’Europe en deux mondes (romanisés/barbares, Réforme/Contre-Réforme, etc.) ?

    Il y a bien sûr un clivage Nord-Sud, qui a pris dans l’histoire diverses formes politiques ou religieuses. Mais on ne peut pas tout ramener à la confrontation du monde latin et du monde celto-germanique. La Grèce, pour ne citer qu’elle, appartient tout autant à l’Europe « orientale » orthodoxe qu’au monde méditerranéen.

    42MAG : Qu’est-ce que cela vous évoque, le fait que l’Europe puisse imploser par la Grèce ?

    ALAIN DE BENOIST. C’est évidemment un symbole. D’une certaine manière, on pourrait dire que l’Europe est née en Grèce et que c’est également là qu’elle est en train de mourir. J’ai moi-même écrit souvent qu’on meurt de ce qui vous a fait naître. Mais encore une fois, l’Union européenne n’est pas l’Europe. La première doit disparaître, dans sa forme institutionnelle actuelle, pour permettre à la seconde d’émerger à nouveau. La crise grecque peut aussi être un point de départ, l’occasion d’un nouveau commencement.

    42MAG : Dans les années 1980, vous avez publié un livre intitulé Europe, Tiers-monde, même combat. Il était sous-titré « Décoloniser jusqu’au bout ». Pouvez-vous nous rappeler la thèse qu’il défend ?

    ALAIN DE BENOIST. C’est un livre qui a été publié à l’époque de la guerre froide, lorsque le Nomos de la Terre s’identifiait au duopole américano-soviétique. L’idée générale que j’y développais était que la vocation naturelle de l’Europe n’était pas de s’identifier ou de s’aligner sur l’une des deux grandes puissances, mais de rechercher une tierce voie en collaboration avec des pays qu’à cette époque on ne qualifiait pas encore, d’« émergents ». La dette du Tiers-monde, fruit de l’idéologie du « développement », elle-même fondée sur l’ethnocentrisme occidental, l’idéologie du progrès et l’application du principe de Ricardo (la théorie dite des avantages comparatifs, qui pousse un pays à se spécialiser outrageusement et à privilégier ses exportations aux dépens de ses cultures vivrières et de son marché intérieur), y faisait l’objet d’une analyse qui pourrait aussi bien être appliquée aujourd’hui à bien des pays occidentaux.

    42MAG : Peut-on lutter contre la mondialisation ?

    ALAIN DE BENOIST. La mondialisation (ou globalisation) est un fait acquis, mais on ne peut l’analyser et la comprendre qu’en tenant compte de son caractère éminemment dialectique. La mondialisation unifie en même temps qu’elle divise. Elle pousse à l’homogénéisation planétaire mais, par ce fait même, provoque en retour des fragmentations nouvelles. D’autre part, la mondialisation ne veut pas dire grand-chose aussi longtemps qu’on n’en a pas déterminé le contenu actuel et les autres contenus possibles. Aujourd’hui, la mondialisation est avant tout technologique et financière. De ce point de vue, le slogan : « Mondialisez-vous ou il vous en coûtera cher ! » n’est qu’un mot d’ordre terroriste. Toute la question est de savoir si la globalisation débouchera sur un monde unipolaire, inévitablement contrôlé par la principale puissance dominante que restent encore aujourd’hui les États-Unis d’Amérique, ou sur un monde multipolaire, où les grands ensembles de puissance et de civilisation pourront jouer un rôle de régulation dans le processus de mondialisation en cours. C’est évidemment vers un monde multipolaire (un pluriversum, non un universum) que vont mes vœux. Cette alternative conditionne l’avènement d’un nouveau Nomos de la Terre. Elle détermine aussi un clivage d’opinion beaucoup plus important que l’obsolète clivage droite-gauche.

    42MAG : Qu’évoque pour vous le mot « universalisme » ? Le paganisme est-il une alternative ?

    ALAIN DE BENOIST. Je définis l’universalisme comme une corruption de l’universel. Vous connaissez cette belle formule de l’écrivain portugais Miguel Torga : « L’universel, c’est le local moins les murs. » La singularité est un mode de médiation vers l’universel. L’universalisme consiste à statuer a priori sur la nature de toute réalité particulière, tandis que l’universel part de cette réalité pour s’épanouir et acquérir une portée plus générale. C’est en s’affirmant profondément espagnol, allemand ou anglais, que Cervantès, Goethe ou Shakespeare prennent une dimension universelle. L’universel, pour le dire autrement, ne s’atteint pas par la négation ou le dépérissement des particularités, mais par leur approfondissement. L’universalisme nie l’altérité, il ignore l’Autre en tant qu’Autre. Il considère que les hommes sont en tous temps et en tous lieux les mêmes, et que ce qui vaut pour les uns vaut nécessairement pour les autres. Cette croyance a servi de fondement à l’impérialisme occidental, et on la retrouve aussi au fondement du racisme. Le paganisme est assurément une alternative, d’un point de vue intellectuel et spirituel, puisqu’il se tient par définition à l’écart de l’Unique. Affirmer qu’il y a plusieurs dieux conduit à n’en rejeter aucun. Le « polythéisme des valeurs » (Max Weber) est un principe de tolérance, en même temps qu’une manière de respecter ce qui fait la richesse du monde, à savoir sa diversité.

    42MAG : Il semble que, de la démocratie représentative, il ne reste plus que la représentation. Les représentants sont parfois ouvertement méfiants envers le suffrage populaire. Comment les peuples peuvent-ils reprendre le pouvoir ?

    ALAIN DE BENOIST. Carl Schmitt disait que plus une démocratie est représentative, moins elle est démocratique. C’était aussi l’opinion de Rousseau : lorsque le peuple délègue à des représentants le soin de parler en son nom, il ne peut plus être présent à lui-même. Ce qui fonde la légitimité de la démocratie, à savoir la souveraineté populaire, implique la possibilité donnée à tous les citoyens de participer aux affaires publiques, c’est-à-dire de décider le plus possible par eux-mêmes de ce qui les concerne. La vraie démocratie est donc avant tout une démocratie participative. La crise actuelle de la représentation tient au fait que les citoyens constatent en permanence qu’ils ne sont même plus représentés. La Nouvelle Classe dirigeante redoute de son côté que les classes populaires ne veuillent pas aller dans la direction qu’elle leur assigne. L’idéologie dominante, enfin, place la souveraineté populaire sous conditions : une décision adoptée démocratiquement n’est plus acceptée aujourd’hui que pour autant qu’elle ne contredise pas l’idéologie des droits de l’homme. Un fossé s’est ainsi creusé entre le peuples et les élites. « Reprendre le pouvoir », cela signifie d’abord comprendre que, dans l’espace public, l’individu ne doit pas s’affirmer comme consommateur, mais comme citoyen. Cela signifie ensuite chercher à mettre en place, et d’abord localement, une démocratie de base suffisamment forte pour résister aux injonctions qui viennent d’en haut.

    42MAG : On assiste à des scènes quasi insurrectionnelles en Grèce. La violence est-elle une solution pour les peuples ?

    ALAIN DE BENOIST. Des scènes quasi-insurrectionnelles ? On n’en est pas encore là, malheureusement peut-être. Pour l’instant, ce que l’on voit le plus en Grèce, c’est la misère, le désespoir et bon nombre de suicides. La violence est la solution lorsqu’il n’y en a plus d’autres. On dit souvent que l’État moderne a le monopole de la violence légitime, mais en réalité il n’a que le monopole de la violence légale. Or, légalité et légitimité ne vont pas forcément de pair, sans quoi l’on ne pourrait dire d’une loi qu’elle est injuste.

    42MAG : La décrédibilisation de la violence comme mode d’expression de soi n’est-elle pas l’une des causes de la perte de pouvoir du peuple ? Les dirigeants ne doivent-ils pas avoir un peu peur du peuple pour garder en tête ses intérêts ?

    ALAIN DE BENOIST. Toute société implique un minimum de concorde entre les citoyens. Il s’en déduit que, si violence est parfois légitime, elle ne saurait constituer un « mode d’expression de soi » permanent. Les dirigeants, d’autre part, ne doivent certes pas être préservés de la colère du peuple, mais il y a des institutions qui les obligent plus que d’autres à tenir compte de ses réactions éventuelles. Je pense par exemple au mandat impératif. En cas de conflit, en tout cas, c’est au peuple d’imposer sa loi par tous les moyens qui peuvent le lui permettre.

    42MAG : La violence est-elle un mal en soi ?

    ALAIN DE BENOIST. Je ne sais pas très bien ce qu’est un « mal en soi » rapporté aux affaires humaines. En matière politique et sociale, le bien et le mal sont rarement absolus. Beaucoup de choses dépendent des circonstances. C’est en recourant à la violence que nombre d’anciennes colonies ont recouvré leur indépendance. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Résistance avait elle aussi recours à des moyens violents pour lutter contre l’occupant. Face à la violence d’État, qui peut aussi être une violence impersonnelle ou structurelle (la violence n’implique pas nécessairement la mise en œuvre de moyens violents), le recours à la violence est souvent la seule arme dont disposent ceux qui sont injustement dominés. Mais la violence n’est pas toujours légitime. Dans ses Réflexions sur la violence (1908), Georges Sorel fait l’apologie de la « violence prolétarienne », mais prend soin de la distinguer de la Terreur. La violence ne doit pas non plus être confondue avec la force. Lorsque l’on dit que la force précède le droit, on ne plaide pas pour la « raison du plus fort ». On dit seulement que le droit est impuissant sans la force nécessaire pour garantir son application.

    42MAG : Sommes-nous une société pacifiée, une société de lâches, ou les deux ?

    ALAIN DE BENOIST. La société dans laquelle nous vivons n’est pacifiée qu’en apparence. Derrière le « cercle de raison » cimenté par la pensée unique, elle est au contraire traversée de contradictions profondes qui, à la faveur d’une crise généralisée, éclateront avec d’autant plus de force qu’on aura longtemps tenté de les dissimuler. « Société de lâches » est peut-être excessif. Là encore, ce sont souvent les conjonctures, les circonstances, qui révèlent d’un côté les lâches et de l’autre les courageux. Si nous sommes aujourd’hui dans une « société de basses eaux », comme disait Castoriadis, c’est aussi que nous sommes dans une époque de transition, un Zwischenzeit (en Français, un « intermède » Ndlr). Nous voyons s’effacer un monde qui nous fut familier, mais nous ne percevons pas encore pleinement les enjeux du futur. Plutôt que de lâcheté, je serais tenté de parler de déperdition d’énergie. Amnésiques et culpabilisées, les sociétés européennes actuelles sont comme vidées de leur énergie. À cette fatigue historique s’ajoutent les effets de la « distraction » au sens pascalien du terme, c’est-à-dire les effets de l’industrie du divertissement.

    42MAG : Un petit recueil de Kantorowicz s’intitule Mourir pour la patrie. Y a-t-il quelque chose qui justifie de se sacrifier aujourd’hui ?

    ALAIN DE BENOIST. Il y a toujours quelque chose qui vaut qu’on se sacrifie pour elle, mais cette chose n’est pas forcément perçue dans la claire conscience. Disons qu’il vaut toujours la peine de se sacrifier pour quelque chose qui nous dépasse. La question est de savoir si nos contemporains estiment qu’il y a quelque chose qui excède leur existence individuelle et leurs désirs immédiats ou s’ils jugent que, par définition, rien n’est pire que la mort. Un peuple qui pense que rien n’est pire que la mort est mûr pour la servitude. Le problème est que la notion même de don de soi va totalement à l’encontre d’un climat général dominé par l’utilitarisme, la raison marchande et l’axiomatique de l’intérêt. Anthropologiquement parlant, l’idéologie dominante fait de l’homme un producteur-consommateur uniquement désireux de maximiser son meilleur intérêt. Dans une telle perspective, tout ce qui n’est pas calculable est considéré comme dénué d’intérêt, toutes les valeurs sont rabattues sur la valeur d’échange, et la gratuité ne correspond plus à rien. Réaliser ce pour quoi il vaut la peine de se sacrifier implique une véritable décolonisation de l’imaginaire symbolique.

    42MAG : Georges Sorel, dans ses Réflexions sur la violence, décrit une élite bourgeoise peureuse, qui cède au moindre froncement de sourcil populaire. Est-ce encore vrai ? Et si oui, qu’est-ce qui fait que les peuples soient si sages, finalement ?

    ALAIN DE BENOIST. Je n’ai pas l’impression que Sorel décrive une bourgeoisie si craintive. Il la décrit plutôt comme prête à tout, y compris à la guerre, pour défendre ses intérêts. Il n’en est pas moins vrai que les élites redoutent le peuple, et qu’on peut s’étonner de voir ce dernier accepter si facilement de vivre dans les conditions qui sont les siennes aujourd’hui. La raison principale en est la relative abondance matérielle que nous connaissons. La vie devient de plus en plus difficile, le travail de plus en plus précaire, mais il y a toujours de l’essence à la pompe et les rayons des centres commerciaux sont pleins. Il n’en ira pas toujours ainsi. L’épuisement des ressources naturelles, la détérioration objective des conditions de la croissance, la suppression de fait des acquis sociaux obtenus en un siècle et demi de luttes sociales, aboutiront peu à peu à une prise de conscience qui mettra fin à la « sagesse » – en fait à l’apathie, à l’aliénation du « spectacle » et à la fausse conscience généralisée – dont vous parlez.

    42MAG : Vous avez dans votre jeunesse été très à droite, vous dites désormais n’être ni de droite ni de gauche. Comment avez-vous dépassé ce clivage ? Pourquoi luttez-vous aujourd’hui ?

    ALAIN DE BENOIST. Je n’emploie pas la formule « ni droite ni gauche », qui ne veut pas dire grand-chose. Je dis seulement que le clivage droite-gauche, qui a depuis deux siècles renvoyé aux oppositions les plus différentes, n’a plus guère de sens aujourd’hui. Il devient obsolète. Les notions de droite et de gauche, nées avec la modernité, s’effacent avec elle. Elles ne survivent, péniblement, que dans la sphère étroite du jeu parlementaire, mais tous les sondages montrent qu’elles perdent chaque jour un peu plus de leur clarté. Les grands événements de ces dernières décennies ont fait de nouveaux clivages qui, chez moi, ont stimulé un désir de synthèse. Dans mon livre de mémoires, Mémoire vive, j’explique dans le détail comment je suis parvenu à ce constat que les notions de droite et de gauche ont cessé d’être opérationnelles pour analyser sérieusement le moment historique que nous vivons. Je dis aussi que je me considère plutôt comme un « homme de droite de gauche » ou un « homme de gauche de droite ». Au lecteur de décider par lui-même ce qu’il peut ou doit en tirer !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Simon Bornstein (42 Mag, 16 janvier 2023)

     

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  • États civilisationnels, les nouveaux empires...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°201, avril - mai 2023) est en kiosque!

    A côté du dossier consacré aux états civilisationnels, on découvrira l'éditorial, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec Alain de Benoist,  Nicolas Vidal, l'animateur du site Putsch et le philosophe Baptiste Rappin...

    Et on retrouvera également les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Nicolas Gauthier, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli, de Bernard Rio, d'Ego Non et de Slobodan Despot...

     

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    Éditorial

    Cinquante nuances de vert, par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien

    La carte de l’identité d’Alain de Benoist, propos recueillis par François Bousquet

    Cartouches

    L’objet disparu : le jeu de billes, par Nicolas Gauthier

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Cinéma : Ruben Östlund et Damien Chazelle, le cinéma contre la moraline, par Alix Marmin

    Champs de bataille : Un bunker en forêt, par Laurent Schang

    Les villajoies, par Bruno Lafourcade

    Curiosa Erotica : une courtisane en lutte contre la Matriarchie, par David L’Épée

    Économie, par Guillaume Travers

    Qu’est la nature devenue ? Le regard d’Olivier François

    Bestiaire : La pieuvre, un chef-d’œuvre de complexité, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    Roulette russe, la guerre vue de Moscou, par Christian Rol

    La faillite du capitalisme post-industriel : l’Occident à court de munitions, par Lionel Rondouin

    BHL en Ukraine : liberté, égalité, choucroute, par François Bousquet

    Nicolas Vidal : « La réforme des retraites, coup de pelle à notre contrat social ». Propos recueillis par François Bousquet et Rodolphe Cart

    Colère de la ruralité : une nouvelle Levée des tridents en Camargue, par Pascal Eysseric

    Charles III, les deux couronnes du roi Charles, par Michel Marmin

    Darney, la ville de France où les loyers sont les moins chers, par Daoud Boughezala

    Vers la fin de la science ? Recherche : quand le niveau baisse, par Guillaume Travers

    Enquête sur un nouveau vent venu de l’Ouest : l’antilibéralisme anglo-saxon, par Thomas Hennetier

    La leçon d’éthique d’Arnold Gehlen, une anthropologie de l’hypermorale, par Walter Aubrig

    L’éclairage de Baptiste Rappin sur Pierre Legendre : comment instituer l’animal humain ? Propos recueillis par François Bousquet

    Séverine, la pasionaria des faubourgs, par David L’Épée

    Dossier

    États civilisationnels, les nouveaux empires

    États civilisationnels, vers un nouveau Nomos de la Terre, par Alain de Benoist

    Christopher Coker : « Pour les Russes et les Chinois, l’Occident est en déclin terminal ». Propos recueillis par Thomas Hennetier

    Frédéric Saint Clair : « La logique civilisationnelle : un nouveau paradigme ». Propos recueillis par François Bousquet

    L’Église aux origines de la psychologie occidentale, par Guillaume Travers

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : Éloge de l’intelligence manuelle, par Slobodan Despot

    La leçon de philo politique : Czesław Miłosz, par Ego Non

    L’esprit des lieux : Sacri Monti, Eurodisney des pèlerins, par Christophe A. Maxime

    Un païen dans l’Église : double sens à Saint-Dié, par Bernard Rio

    C’était dans Éléments : les illusions olympiques, par Éric Leroux

    Éphémérides

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  • Alain de Benoist et la question identitaire...

    Le 16 mars 2023, Pierre Bergerault recevait sur TV libertés Alain de Benoist pour évoquer avec lui son essai intitulé Nous et les autres (Rocher, 2023).

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021) et, dernièrement, L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

                                             

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  • Pourquoi l’identité est aujourd’hui partout ?...

    Le 10 mars 2023, Clémence Houdiakova recevait Alain de Benoist dans Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, à l’occasion de la sortie de son essai intitulé Nous et les autres (Rocher, 2023).

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021) et, dernièrement, L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

                                               

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  • Panorama d'un parcours intellectuel...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Eric Verhaeghe, animateur du Courrier des stratèges, qui l'interroge sur son parcours intellectuel...

     

                                               

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  • Alain de Benoist : « Séparer l’identité et le social est un non-sens.»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Breizh-Info, dans lequel il évoque la question de l'identité à l'occasion de la sortie de son dernier essai, Nous et les autres (Rocher, 2023).

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021) et L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021).

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    Alain de Benoist : « C’est une erreur de croire que l’ampleur des préoccupations identitaires replace les questions d’ordre économique à un niveau secondaire »

    Alain de Benoist vient de publier un (nouvel) essai remarquable intitulé «Nous et les autres » qui s’attaque à la question de l’identité. Pour en discuter, nous l'avons interrogé.

    Breizh-Info.com : Tout d’abord, est-ce que ce livre part de la volonté d’apporter une réponse aux débats actuels sur l’identité ou les identités, débats monopolisés médiatiquement et curieusement par l’extrême gauche et par une certaine gauche ?

    Je dirais plutôt qu’il part de la volonté d’y voir plus clair dans ces débats qui, aujourd’hui, ressemblent à des foires d’empoigne. De nos jours, tout le monde parle de l’identité, mais c’est le plus souvent sur le mode de la litanie ou du slogan. Quand on demande à ceux qui en parlent le plus de dire ce qu’ils entendent par là, quel contenu ils donnent à l’identité, quelle idée ils s’en font, on obtient des réponses parfaitement contradictoires. Mon livre est une tentative de mise au point. La première partie, la plus théorique, s’efforce de montrer comment la notion d’identité s’est formée au cours de l’histoire sociale et de l’histoire des idées, en liaison notamment avec la montée de l’individu. La seconde, plus actuelle et plus polémique, analyse l’identitarisme racialiste proprement délirant des milieux indigénistes ou « postcoloniaux ».

    Je dis dans l’introduction que l’identité est à la fois vitale et floue. Vitale parce qu’on ne peut pas vivre sans identité, floue parce que l’identité est toujours complexe : elle comprend différentes facettes qui peuvent entrer en conflit les unes avec les autres. Les deux erreurs à ne pas commettre sont de croire que l’identité n’est pas vitale parce qu’elle est floue, ou qu’elle ne peut pas être floue si elle est vraiment vitale.

    Pour bien comprendre ce dont il s’agit dans la narration identitaire, il faut prendre en compte trois catégories de différences : entre l’identité héritée, en général à la naissance, et l’identité acquise (qui est tout aussi déterminante que la première : quand on meurt pour ses idées, on meurt pour une identité acquise), entre l’identité individuelle et l’identité collective, et surtout entre l’identité objective et la perception subjective que l’on s’en fait. Les différentes facettes de notre identité n’ont en effet pas à nos yeux la même importance, et c’est ce qui détermine notre sentiment de proximité par rapport aux autres. Si je suis un Breton, un Français et un Européen, est-ce que je me sens plus breton que français ou l’inverse ? Plus français qu’européen ou l’inverse ? Si je suis chrétien, est-ce que je me sens plus proche d’un chrétien du Mali que d’un païen norvégien (pour des raisons religieuses), ou l’inverse (pour des raisons culturelles) ? Si je suis une lesbienne de droite, est-ce que je me sens plus proche d’un homme de droite (pour des raisons politiques) ou d’une lesbienne de gauche (pour des raisons d’ordre sexuel) ? On peut imaginer mille questions de ce genre. Elles nous montrent que les différents aspects de notre identité ne s’harmonisent nécessairement entre eux.

    Breizh-Info.com : L’ère de la globalisation, l’avènement de la société libérale, notamment après les conflits civils du XXe siècle en Europe, semblaient avoir effacé en partie la question identitaire, qui revient aujourd’hui sous d’autres aspects. Le signe d’une force bien plus importante que toute question d’ordre économique notamment ?

    La question identitaire ne fait pas retour, elle surgit tout simplement. Dans les sociétés traditionnelles, la question de l’identité ne se pose même pas. C’est à l’époque moderne qu’elle commence à se poser parce que les repères s’effacent, et que de plus en plus de gens s’interrogent sur ce qu’ils sont et sur ce à quoi ils appartiennent. « Qui suis-je ? », « qui sommes-nous ? » sont des questions qui ne se posent que lorsque l’identité est menacée, incertaine, ou qu’elle a déjà disparu. C’est ce qui rend cette notion intrinsèquement problématique. Censée constituer la solution, elle fait aussi partie du problème.

    C’est une erreur de croire que l’ampleur des préoccupations identitaires replace les questions d’ordre économique à un niveau secondaire. L’économique et le social font aussi partie de l’identité. Notre identité économique, sociale, professionnelle ou autre, n’est pas dissociable des autres facettes de notre personnalité. C’est tout particulièrement vrai pour les classes populaires, qui sont bien conscientes de faire actuellement l’objet d’une discrimination à la fois culturelle et sociale : elles se sentent étrangères dans leur propre pays et subissent un mépris de classe constant. Elles se sentent donc doublement exclues. Séparer l’identité et le social est un non-sens. C’est ce que n’a pas compris Eric Zemmour, qui a cru pouvoir ressusciter le clivage gauche-droite en associant un discours anti-immigration des plus anxiogènes à des options économiques libérales. Les classes populaires lui ont tout naturellement préféré Marine Le Pen.

    Breizh-Info.com : Ce début de XXIe siècle semble également marquer le retour de la question de la race, du racialisme, dans le débat identitaire, notamment du fait des mouvements indigénistes (mais pas que). Estimez-vous que ce débat soit fondamental ou bien qu’il constitue au contraire une forme de retour en arrière, d’essentialisation de l’identité au travers de ce prisme ?

    Les races existent, et les facteurs raciaux sont à prendre en compte comme tous les autres. Leur donner une importance centrale, vouloir tout expliquer par eux, est inconséquent. J’ai déjà publié trois livres contre le racisme, je n’y reviendrai pas. La véritable nature de l’homme, c’est sa culture (Arnold Gehlen) : la diversité des langues et des cultures résulte de la capacité de l’homme à s’affranchir des limitations de l’espèce. Vouloir fonder le politique sur la bioanthropologie revient faire de la sociologie une annexe de la zoologie, et interdit de comprendre que l’identité d’un peuple, c’est d’abord son histoire. Ce n’est pas seulement une régression de type réductionniste, c’est aussi profondément impolitique. On en voit le résultat avec les délires racialistes de l’idéologie « woke », qui sont parfaitement comparables aux délires du suprémacisme blanc américain : le degré zéro de la pensée politique.

    Breizh-Info.com : Pourquoi avez-vous choisi de vous attarder particulièrement sur la question de l’identité juive ? Qu’est-ce qu’elle nous dit aujourd’hui ?

    Breizh-Info.com : Je consacre à cette question un « excursus » placé en appendice de mon livre. La raison en est simple. Au cours des deux derniers millénaires écoulés, le peuple juif n’a cessé d’être confronté (et de se confronter) à la question de son identité. Alors que tant d’autres peuples ont disparu au cours de l’histoire, il a réussi à se maintenir en diaspora par une discipline intellectuelle constante et par le moyen de la proscription des mariages mixtes. Sans cette endogamie rigoureuse, il aurait sans doute disparu. Ce qui est également intéressant, c’est que la pensée juive a toujours été tiraillée entre un pôle universaliste et un pôle particulariste. La réponse que le judaïsme orthodoxe donne à la question : « Qui est juif ? » diffère totalement des législations antisémites qui distinguent des « demi-juifs », des « quarts de juifs », ce qui ne veut pas dire grand-chose. Selon la tradition de la halakha, ce qui prévaut est la loi du tout ou rien : on est juif si l’on est né d’une mère juive, on ne l’est pas si l’on est né d’un père juif et d’une mère non juive. Bien sûr, au fil des siècles, tout cela a donné lieu à des discussions passionnées, qui se sont encore amplifiées après la création de l’Etat d’Israël. J’ai choisi cet exemple pour montrer que l’identité n’est jamais une chose simple.

    Breizh-Info.com : Vous avez consacré l’essentiel de votre vie à la défense de l’identité, et notamment de la civilisation européenne. Comment votre regard, et votre propre perception de ce que vous êtes et de ce que les autres sont, ont-ils évolué sur plusieurs décennies ? Et aujourd’hui, qui êtes-vous, qui sont les autres ?

    Mon regard s’est sans doute affiné, mais il n’a jamais changé. Personnellement, je me définis fondamentalement comme un Européen, solidaire de son histoire et de sa culture. A l’heure de la crise généralisée des doctrines universalistes, je souhaite que l’Europe devienne une puissance civilisationnelle autonome. Mais cette définition de la « nostrité » n’est pas exclusive des autres. Elle n’entraîne ni la xénophobie ni le refus de reconnaître les valeurs et la grandeur des autres cultures du monde, bien au contraire (sur certains points, nous devrions même prendre exemple sur elles). Dans nos rapports avec les autres, nous devons comprendre que toute identité est dialogique : on n’a pas d’identité si l’on est seul. Les systèmes universalistes s’efforcent de faire disparaître l’altérité au profit d’un monde unidimensionnel. Ce sont ces systèmes qui représentent l’ennemi principal, parce qu’ils veulent éradiquer les différences entre tous les peuples.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 13 février 2023)

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